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Programmation

Daniel Canty

RED SHIFT

La réalité du Red Light a été absorbée par l'expansion du Quartier des spectacles. Red Shift propose un compte-à-rebours poétique qui invite à disloquer l'histoire et à passer derrière le décor de l'actuelle Montréalité pour aller à la rencontre de Lily et rhabiller le temps.


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RED SHIFT. Un compte-à-rebours pour rhabiller le temps.

Rouge, la couleur du Quartier des spectacles est rouge.

Willis Mary Van Schaark, aka Lily St-Cyr, jeune fille du Minnesota, s'installe à Montréal en 1944, à l'âge de 27 ans, pour poursuivre une prometteuse carrière d'effeuilleuse. Défiant l'édit légal qui empêche qu'une danseuse termine sa prestation plus lestement vêtue qu'au début de son spectacle, elle se présente sur scène dans un bain mousseux, pour se lancer dans un lancinant numéro de striptease à l'envers. Jusqu'en 1951, elle performe devant des salles combles au Gayety, haut lieu du Red Light, sur le site de l'actuel TNM.

Le striptease à l'envers de la danseuse au nom de lys, esprit tutélaire d'une réalité recouverte par le mouvement de l'histoire, me rappelle aux mystères du temps, et à l'incandescence momentanée de nos désirs dans le tissu de la ville. Le Red Light n'est plus qu'un nom flottant dans l'indifférence de l'histoire, l'écho d'anciennes photographies, auquel nous rattache le rougeoiement des crépuscules, le piqué des marquises. Pour ma part, je vois dans le geste subversif de la danseuse une parenté avec ce que les astrophysiciens nomment red shift ou décalage au rouge. Un signal infrarouge, rendu visible par de puissants radio-téléscopes, indique que l'univers poursuit son expansion. Si ce rougeoiement infra-lumineux en vient à changer, nous saurons alors que le big crunch, hypothétique mouvement déflationniste qui mettrait fin à toutes choses, est enclenché, et que nous nous évanouirons sous la vague ultime du vide. La réalité du Red Light a été absorbée par l'expansion du Quartier des spectacles. Red Shift propose un compte-à-rebours poétique qui invite à disloquer l'histoire et à passer derrière le décor de l'actuelle Montréalité pour aller à la rencontre de Lily et rhabiller le temps.


Daniel Canty est auteur. Il crée des livres, des films, des interfaces et des installations. Sa première réalisation était une adaptation du roman d'Alan Lightman, Einstein's Dreams (1999) combinant fiction Web et livre d'art. Son premier livre était une histoire des automates dans la littérature américaine, Êtres artificiels (1997). Il vient de publier un roman, Wigrum, et de signer le libretto d'Operator, un automate électroluminescent conçu par Mikko Hynninen et présenté à Lux Helsinki. Le Livre de chevet (2009), ouvrage collectif entremêlant textes et images du sommeil, visait à altérer le repos de ses lecteurs. Son dernier film, Longuay, conjugue le regard d'une ancienne abbaye et d'une tablette numérique. Fin 2010, l'installation Le Tableau des départs hantait les verrières monumentales de l'ancienne Gare Jean-Talon. Il signe de nombreux textes sur l'art, notamment pour Le Laboratoire parcellaire (2011) ou Angles_Arts numériques (2009). Il conçoit divers projets pour des bureaux de design montréalais et enseigne l'écriture indisciplinaire à l'École nationale de théâtre.

Site Web de l'artiste : danielcanty.com