Soutenir
MenuFermer

Programmation

Franck Bragigand

Plaques de goût

Le projet consiste à peindre les couvercles des puisards situés dans les quartiers entourant le parc sans nom où DARE-DARE a élu domicile en juillet 2006.


Voir plus

Le projet Plaques de goût de l'artiste Franck Bragigand consiste à peindre les couvercles des puisards situés dans les quartiers entourant le parc sans nom où DARE-DARE a élu domicile en juillet 2006. Ces portes du souterrain montréalais où serpentent les fils électriques et les câbles des télécommunications, où coulent les rejets naturels et les détritus humains sont pourtant ouvertes tous les jours par des personnes dont c'est le métier de les ouvrir.

D'une certaine façon, le projet vise à rendre hommage à ces gens, travailleurs de l'obscurité qui visitent les boyaux de la ville pour mieux la nettoyer et l'entretenir; à transformer les plaques d'égout en « Plaques de goût », soit des peintures, des œuvres d'art, des portes un peu plus agréables à ouvrir et peut-être même à comtempler. Comme un hommage à ce métier particulier, l'intervention artistique posée par la mise en couleur favorisera une attention publique particulière, une attention par ceux qui leur marche dessus. Elles re/feront partie du paysage de la cité.

Le choix des couleurs se fera en respect des éléments composant l'environnement et le contexte immédiat des couvercles de bouches d'égout. En d'autres mots, ce projet devient une peinture in situ sur les trottoirs, dans les parcs et dans les ruelles. Par le biais de ses projets, Franck Bragigand tente de souligner l'espace public pour le faire voir, revoir, paraître, voire apparaître.


Au parc sans nom et dans les quartiers avoisinants
Rencontre et fête de quartier: Dimanche 24 juin de 18h à 23h


Partenaires : Consulat général du Royaume des Pays-Bas et Commission des services électriques de Montréal


Artiste français habitant aux Pays-Bas depuis dix ans, Franck Bragigand travaille principalement la peinture et la récupération, tout en procédant à la mise en valeur des objets et des lieux par la couleur. Selon le critique d'art français Olivier Reneau: «il agite la peinture comme un médium activiste qui sert à remuer la société. Il agit tantôt secrètement pour laisser une trace bien visible et tellement naturelle ou bien s'appuie sur nos conventions pour mieux les dépasser. Franck Bragigand a fait de la couleur un véritable matériau de propagande qui lui sert à rallier le plus grand nombre à la restauration de notre société.» Il a présenté son travail dans plusieurs pays depuis la fin des années 1990: Pays-Bas, France, Italie, Belgique, Suisse, Russie, États-Unis. Plaques de goût sera son premier projet diffusé au Canada.


Un retour sur : Plaques de goût

Interventions peintes sur bouches d'égout

du 12 juin au 21 juillet 2007 au parc sans nom et dans les quartiers avoisinants
vernissage le 24 juin.

partenaires: Consulat général du Royaume des Pays-Bas et Commission des services électriques de Montréal

La démarche du peintre européen Franck Bragigand se concentre depuis quelques années autour de ce qu'il appelle «la restauration du quotidien». Il redonne du style à des meubles et autres objets décoratifs abandonnés dans les marchés aux puces et les magasins caritatifs. Tables, chaises, réfrigérateurs et même parfois plantes vertes en plastique sont méticuleusement repeints par l'artiste. Tantôt offerts à qui ose s'en accaparer dans quelques places publiques de quelques quartiers d'Amsterdam, tantôt objets de petites luttes économiques par leur mise aux enchères, ces objets acquièrent un nouveau statut: beaux objets de valeur ou oeuvres d'art.

Quoique ces interventions se fassent généralement sur des éléments issus des quotidiens privés, l'artiste est surtout intéressé par la restauration du mobilier collectif, par ce qui conditionne nos modes de vie urbains. C'est ainsi que, motivé par la restauration des banalités quotidiennes publiques, Bragigand porte attention aux plaques des bouches d'égout. Zones de passages entre un dehors citadin organisé par convenance collective et un dedans occulté, antre de la ville rempli de fluides naturels et humains que l'on souhaite oubliés, ces ouvertures vers le sous-sol de la ville, ces trous d'homme, ne servent pas seulement d'espace de circulation des écoulements, ils abritent aussi tout un réseau de câbles électriques et de télécommunication. Si d'ordinaire les plaques circulaires en fonte se laissent oublier, depuis le 12 juin 2007, certains couvercles de puisards situés tout près de DARE-DARE au nord-ouest de l'arrondissement Plateau Mont-Royal ont été le lieu d'attroupements singuliers. Les citadins ont pu apercevoir Franck Bragigand et ses assistants - des membres de DARE-DARE - s'affairer à appliquer une généreuse couche de laque, peinture industrielle à l'huile, luisante et durable, sur une trentaine de plaques d'égout. Pendant que les curieux prenaient quelques secondes pour y jeter un coup d'oeil, de réels intéressés conversaient avec les travailleurs inusités cherchant à élucider la raison de cette étrange activité et surtout, exprimant leur enthousiasme, enthousiasme découlant probablement de la légalité de la chose... «Est-ce une initiative de la ville?», demandaient-ils. «Non», répondait-on. «Avez-vous les permis?», ajoutaient-ils. «Certes», affirmait-on.

En effet, pour obtenir les permis nécessaires à la réalisation du projet de peinture sur plaques d'égout, l'équipe de DARE-DARE et Bragigand ont été engagés dans une série de procédures complexes. Il aura fallu l'intervention des politiciens de l'arrondissement Plateau-Mont-Royal, sans quoi l'administration publique n'aurait jamais entériné l'entreprise, car la loi provinciale stipule qu'il est interdit de peindre des éléments de la voirie de façon permanente. Les élus ont employé les termes de «projet pilote» pour décrire l'initiative, une belle opportunité pour démontrer leur ouverture d'esprit et leur engagement à soutenir les arts dans la communauté.

Si les artistes à qui Bragigand a fait appel ont eu plus ou moins le choix des couleurs à utiliser, toute figuration était évacuée. Il fallait souligner le mobilier urbain par une adéquation fond-forme. Résidu de la formation académique de l'artiste, preuve d'un attachement à la pensée fonctionnaliste moderniste? Esthétique et harmonie, telle était la direction artistique. Les couleurs utilisées correspondaient à celles de l'entourage des plaques d'égout, des roses, des rouges, des oranges, des gris, soit plus ou moins les couleurs des bâtiments du quartier. Il faut dire que Franck Bragigand ne cherche pas la confrontation; au contraire, il est, selon la formule de Fanny Poussier, un «agitateur tranquille»: «[...] l'artiste avance en ondulant sur plusieurs fronts, efficace. [...] Les procédures engagées pour la réalisation ont parfois pour conséquence de déstabiliser des modes relationnels basés sur le contrôle, la hiérarchie, l'officiel. L'artiste vient chatouiller, en esquivant les conflits, l'envers du décor.*» Le peintre devient alors un gestionnaire de compromis et ouvre des réflexions qui transcendent, d'une part, la décoration d'objets utilitaires et, d'autre part, les préoccupations du milieu de l'art autonome, puisqu'il cherche à inscrire son geste d'artistes peintre de manière permanente dans la vie publique. L'intérêt de cette intervention artistique réside moins dans le résultat que dans les échanges entre les personnes et les collectivités concernées, et peut-être encore davantage, dans la logistique que cette entreprise demande.

Plaques de goût, c'était donc tout cela. Appliquer de la laque sur des plaques d'égout pour créer une médiation entre un centre d'artistes, une administration publique et des citoyens, pour questionner les «certitudes imposées» (Poussier), les protocoles, les règles de la police (du grec polis, cité), appliquer de la laque sur des bouches d'égout pour nous inciter à restaurer la banalité de notre quotidien collectif.

- Ève Dorais, août 2007

* Poussier, Fanny. Délocaliserebondir. Livret de l'exposition Pièces théâtralisées par Franck Bragigand. Institut néerlandais, Paris, 2003.