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Viviane Namaste

Quartier des spectacles : l'invisible est spectaculaire

26 mars 2014 - 27 mai 2014

Dix énoncés invitent les passants à mieux comprendre le quartier dans lequel se situe l’enseigne lumineuse : son histoire, ses artistes, ses communautés ethnoculturelles, ses travailleuses et ses traces effacées. Les énoncés visent à rendre visible des éléments oubliés de la vie quotidienne du Quartier des spectacles : la chanteuse populaire, l’art autochtone, la démolition de logements, la fermeture d’une épicerie arabe...

L’image actuelle de ce quartier évoque le spectacle, le développement urbain et l’architecture : des pratiques hautement visuelles. Ici, c’est à travers le visible que l’on construit le sens. Les dix énoncés présentés dans le cadre de ce travail changent la donne et attire l’attention sur ce qui est invisible dans le quartier.

Alors que Montréal fait son propre marketing avec le Quartier des spectacles, un slogan promotionnel pour défaire les effets pervers des transformations du coin est proposé – « Quartier des spectacles : l’invisible est spectaculaire ».

Répété chaque semaine, ce slogan s’écrit avec tous les énoncés, suggérant que la définition d’un site ne peut pas se limiter seulement au visible, mais se fond aussi sur l’invisible. Mieux encore : l’énonciation du site se fond sur le refoulement de certaines histoires et de certains énoncés. Dans une telle violence, les référents des signes sont déplacés, cédés, effacés : « Quartier des spectacles » dénote un grand festival, un concert plein air, un aménagement urbain qui permet à des centaines de milliers de personnes de se déplacer, mais « Quartier des spectacles » ne dénote plus la chanteuse country de la Main, le magasin où se vendaient des costumes d’artistes, ou bien les Tourist Rooms dans lesquels dormaient et baisaient les artistes et les travailleuses de ce quartier. Ainsi, la répétition du slogan « Quartier des spectacles : l’invisible est spectaculaire » exige que l’on réfléchisse à ce qui ne se voit pas – le déplacement des pauvres, l’expulsion des travailleuses du sexe, le chômage chez les artistes populaires du coin. L’écriture nous invite à voir, et à revoir, autrement. Le Quartier est spectaculaire non seulement pour ses spectacles visibles, mais surtout pour ce qu’on ne voit pas. L’écriture d’un slogan promotionnel souligne ces invisibilités.

L’économie de l’écriture proposée ici – un détournement du discours officiel par des énoncés historiques et un slogan marketing – traite de l’économie elle-même : le chômage des artistes, un graffiti sur le libre-échange au début des années 1990, l’échange d’argent contre le plaisir qui fait vibrer le quartier depuis si longtemps, le développement d’un quartier, la fermeture de ses commerces locaux et les coûts sociaux de l’aménagement urbain. La forme du message – une enseigne lumineuse associée à la publicité et à la promotion – renforce le caractère économique de cette écriture.

Au moment où le Quartier des spectacles se transforme à une vitesse hallucinante, quels énoncés de sa culture sont autorisés ? Quelles économies opèrent ? Quelles histoires sont écrites ? Et surtout, comment l’écriture peut-elle interroger les conditions d’énonciation d’un site ?
 

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Professeure à l’Institut Simone de Beauvoir de l’Université Concordia, Viviane Namaste a fait des recherches sur l’histoire des artistes de la Main. En 2009, elle a écrit un mémoire sur le patrimoine artistique du boulevard Saint-Laurent, dans le cadre d’une consultation publique sur le développement du quartier. À part le travail sur une boîte Lite-Brite dans les années 1970, elle n’a jamais écrit sur une enseigne lumineuse. Mais elle est prête à relever le défi !

 


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