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Programmation

Aurélie Pedron

MARGE

MARGE est un projet avec des jeunes qui ont fait des choix marginaux et/ou des jeunes marginalisés. Jeunes et artistes performeurs/danseurs se rencontrent, se lisent, se disent et se livrent, sur la rue, en de petites bulles performatives dans lesquels les passants sont invités à entrer.

Sous-événement de

AURÉLIE PEDRON

RÛE consiste en une série de recherches sur le mouvement, réalisées seules ou en duo et qui se développent sur le mode de la rencontre.



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La création amène des réponses à la vie sans qu’on connaisse trop les questions.

- Allyce Arsenault

MARGE est le second volet du projet RÛE initié à l’automne 2014. Ce projet consiste en une série de recherches sur la rencontre, le dévoilement et la dilatation du temps. 

MARGE est un projet avec des jeunes qui ont fait des choix marginaux et/ou des jeunes marginalisés. Jeunes et artistes performeurs/danseurs se rencontrent, se lisent, se disent et se livrent, sur la rue, en de petites bulles performatives dans lesquels les passants sont invités à entrer.

Dans sa pratique, Aurélie Pedron explore la rencontre entre le corps et la matière et développe une réflexion sur le rapport au public et au lieu. Elle oriente ses recherches vers l’installation et la performance. Aurélie aime considérer le corps comme un vecteur, un révélateur d’images invisibles.


Rencontres performatives avec : Allyce Arsenault, Miri Chekhanovich, Marc André Goulet, Soleil Launière, Mélodie Talbot et Catherine Tardif, avec la collaboration de Caroline Gravel et Karina Iraola

Les 29, 30 et 31 mai 2015, au parc des Faubourgs rue Ontario Est (coin Dorion), de 17 h à 18 h, beau temps, mauvais temps.

Finissage à la roulotte de DARE-DARE, le 3 juin 2015, de 17 h à 21 h.


Aurélie Pedron s’est installée à Montréal en 1999. D’abord titulaire d’un baccalauréat en danse à l’UQAM, elle a ensuite complété en 2013, une recherche/création à la maîtrise sur « L’émergence en création ou l’anti-héroïsme du créateur ».

À ses débuts, elle réalise plus de 10 œuvres vidéo, diffusées dans plus de 14 pays : en Asie (Japon, Inde, Corée du Sud, Taïwan...), en Europe (France, Grande-Bretagne, Allemagne...), en Amérique du Sud (Brésil), en Russie et aux États-Unis. La scène garde cependant une importance fondamentale. Ses solos ont été présentés à Tangente, au Studio 303, à la SAT, aux Ateliers Jean-Brillant et au Blinding Light à Vancouver.

Avec la création de CHAIR en 2011, Aurélie Pedron conjugue, par le biais du circuit fermé, la scène et la vidéo. Avec la création de Corps caverneux (soutenu et diffusé par Tangente et Danse-Cité en 2013), elle poursuit sa quête de rencontre entre corps et lumière. Elle a également collaboré avec la compagnie de théâtre Odelah Création en tant qu’interprète et vidéaste.

En avril 2013, elle fonde sa compagnie de création Lilith & Cie, avec laquelle elle explore la perméabilité des matériaux et le rapport privilégié au spectateur qu’offre la nanoperformance. Son travail a été présenté au Festival de Théâtre de Rue de Lachine, ainsi qu’au FNC. Sa dernière création ENTRE, nanoperformance sur le thème de la rencontre, est présentée à Tangente lors de la saison 2014/15.

Aurélie travaille présentement sur LA LOBA, une installation performance avec 11 femmes et quelques loups, SAPPHO est un projet sur l’érotisme qui se veut ni choquant, ni vendeur.

Le projet MARGE bénéficie d’un soutien du Conseil des arts du Canada.


Marge : lexpérience du recentrement
Par Catherine Lavoie-Marcus

Un texte à propos du projet de la chorégraphe Aurélie Pedron. Présenté les 29, 30, 31 mai 2015 au Parc des Faubourgs, Montréal. Avec Allyce Arsenault, Miri Chekhanovich, Soleil Launière, Mélodie Talbot, Catherine Tardif, Marc André Goulet et avec la collaboration de Caroline Gravel et Karina Iraola

En marchant à la lisière du parc des Faubourgs, au coeur du quartier Centre-sud de Montréal, nous apercevons d’abord les pieds des performeuses posés sur les pavés froids. Choix artistique qui ne semble en rien faire grelotter les jeunes femmes au coeur du projet Marge, accoutumées à une certaine expérience de l’inconfort. Nous sommes invités à pénétrer dans un espace à l’aspect rituel délimité par les performances livrées individuellement et en continu par Allyce Arsenault, Miri Chekhanovich, Soleil Launière et Mélodie Talbot. Après une déambulation curieuse, nous attendons une occasion pour nous offrir, à tour de rôle, un tête-à-tête intime avec l’une d’entre elles. 

Initié et guidé par la chorégraphe Aurélie Pédron, le projet Marge nous mène à la rencontre de quatre jeunes femmes qui ont fait l’expérience intime de la marge sociale. Poursuivant une profonde quête identitaire, elles ont parfois choisi le nomadisme - urbain ou transurbain - pour aller à la rencontre d’elles-mêmes. Expérience doublée, pour certaines, par la consommation de drogues, menant « aux enfers du monde réel », tel qu’en témoigne Mélodie.

Curieuses de relever le défi d’une expérience radicale d’un autre type, celle du travail expressif et somatique, les quatre jeunes femmes répondent positivement à l’invitation d’Aurélie de témoigner de leur expérience sous la forme d’une performance publique. C’est ainsi que, dans l’intimité d’un studio de répétition, elles entament une recherche d’environ soixante heures au cours desquelles la chorégraphe leur propose des explorations corporelles variées. Par divers moyens, elle prépare le corps et l’esprit à la présence performative, en vue du dévoilement ultime avec le public. À la demande des jeunes femmes, la chorégraphe accentue la rudesse des exercices et les guide vers une rencontre puissante et complexe avec leur intimité : mémoire du corps, désirs, blocages sont désentravés. Rien n’échappe à cette mise à nue radicale : rencontre avec soi, moments d’extase, échanges sensibles inouïs. Après le premier jour de travail, Miri souffre d’une poussée de fièvre. C’est, selon elle, l’état de rare et de radicale présence qui la fait basculer dans cet état maladif. Paradoxalement, Marge est l’occasion d’une puissante expérience de recentrement.

Chacune met ensuite au point sa performance sous le regard constructif d’Aurélie, en convoquant ses expériences personnelles et ses préoccupations. Puis vient le moment délicat où il faut « pousser [les idées] sans peur et raccorder toutes les pièces du casse-tête pour en faire un produit fini » nous explique Sol. L’interprète s’inspire ses origines comme membre des Premières Nations et la situation des femmes grands-mères (kukums) ou disparues. Mélodie se réapproprie les gestes qui se sont sédimentés dans son corps après une longue période de consommation de drogue ; elle noue ses membres avec d’étroites bandelettes de tissu qu’elle dénoue ensuite en guise de libération.  Allyce entre en contact avec sa voix intérieure et convoque sa passion pour la musique pour créer une trame musicale originale qu’elle offre en partage au public. Pour sa part, Miri observe la division qui s’immisce sournoisement entre les êtres humains et cherche une manière de l’abolir. Elle s'inspire du climat fragile qui prévaut dans de sa ville d’origine, Jérusalem. Avec sa complice, l’interprète Catherine Tardif, elle déchire des pages de la bible et du coran près des oreilles des spectateurs puis les recoud ensemble, de manière, dit-elle, « à créer une nouvelle histoire, une histoire qui ne sépare pas, qui ne divise pas, mais qui relie (…) » Les gestes choisis opèrent un soulagement immédiat « l’action de déchirer les pages relâchait beaucoup de tension » dit-elle, sans ignorer l'importante dimension politique du geste : « Je ne pourrais pas faire cette même performance à Jérusalem ». Heureusement, la rue montréalaise comporte autant de dangers que d’interstices où une contestation subtile peut éclore. 

 

La rue autrement

Marge traduit un souhait d’union et d’émancipation, une exhortation à abolir des frontières : « Puisse la créativité nous rassembler, briser les idées qui restreignent nos esprits et nos corps » souhaite Miri. Marge est un tour de force qui efface tout doute sur la puissance émancipatrice de l’art : le projet fait bifurquer les destins et consolide certains désirs inavoués. Pour Mélodie, l'expérience donne « l'envie de recommencer dans le domaine de l'art. Ce qui est énorme ».

Devant nos yeux, Soleil, Miri, Mélodie et Allyce transforment leur rapport à la rue. Vecteur d’expérimentation ordonné par les désirs profonds plutôt qu'espace de marginalisation, la rue s’ouvre comme un lieu riche rencontres, pour celles et ceux qui y vivent comme pour celles et ceux qui y déambulent quotidiennement.