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Programmation

Collectif Au travail / At work

Projet d’emploi et de détournement

AU TRAVAIL / AT WORK est un appel de collaboration ouvert et libre à tous. Ce projet expérimental propose aux artistes et aux travailleurs de considérer leurs lieux de travail comme un lieu de résidence artistique.


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Centre d’emploi et de détournement

Du 24 avril au 3 juin 2006
Au square Viger et sur internet
Bureau d'emploi / galerie ouvert en tout temps
Vernissage le vendredi 5 mai 18h à 23h
Rassemblements festifs (performance, musique, vidéo, etc.) tous les vendredis 18h-23h 
(sauf le 26 mai)
Cliniques/partage de compétences (vélo, ordi, massage, bouffe, etc.) tous les samedis 14h-19h


www.autravailatwork.org

L’économie d’aujourd’hui crée des espaces de liberté réels: les travailleurs de l’immatériel (informatique, communication, service, éducation, mode, pub…) sont de plus en plus nombreux et disposent souvent de la gestion de leur temps.

AU TRAVAIL / AT WORK est un appel de collaboration ouvert et libre à tous. Ce projet expérimental propose aux artistes et aux travailleurs de considérer leurs lieux de travail comme un lieu de résidence artistique. Dans tous les cas, le lieu de réflexion, de réalisation ou d’intervention devient celui de l’employeur.

Les membres du collectif s’approprient la culture du travail au sein même de leurs cadres de vie et se produisent eux-mêmes en utilisant, détournant ou pliant à leurs propres fins les moyens culturels et technologiques dont ils disposent au travail. Le milieu de travail est considéré comme un champ d’expérimentation et de découverte où se jouent les rapports conflictuels entre utopies privées, nécessités collectives et réalités économiques.

Le collectif AU TRAVAIL / AT WORK offre à ses membres un réseau de relations, des modes de partage et organise des expositions qui assurent la diffusion et la mise en commun de leurs idées, actions et réalisations. Immergés dans divers secteurs de l’économie, les membres du collectif dessinent les figures possibles d’une nouvelle forme d’engagement. Le mouvement fut initié au mois de février 2005 dans le but d’explorer et d’amalgamer des actions multidisciplinaires dans le contexte de la déclaration incessante du nouvel ordre mondial et de sa domination sur toutes les économies. Cet acte de résistance au pouvoir de la rationalisation économique néolibérale consiste essentiellement à enrichir des capacités d’action, de communication, de création et de réflexion chez les membres du collectif.

Une section anarchiste du collectif se donne comme objectif d’abandonner totalement la conception marchande-utilitaire-économiste du travail et considère le développement des capacités humaines d’imagination et de résilience comme des fins en elles-mêmes. Les membres de la section anarchiste acceptent n’importe quel travail à n’importe quelle condition et s’affranchissent des contraintes reliées à celui-ci.

The job market just got hotter. L’artiste qui travaille possède le monde.


Rapport d'activité

Un bureau d’emploi et une galerie étaient ouverts en tout temps au square Viger du 24 avril au 3 juin 2006

« Apprentis mécaniciens pour réparations sur camions et remorques.» «Rôtisseur d'expérience, temps plein, responsable de soir.» «Looking for people to work for a nice massage salon. Good clientele.» «Pour faire beaucoup d’argent. Commerce de l’avenir et simplifié. Info : xxx-xxxx.» «Serveuse et barmaid très très sexy et coquine pour petit déjeuner et déjeuner.» «Couturière à temps partiel pour rembourrage en atelier et/ou à la maison.» «Recherche couple dont l'homme sera champigniste et l'épouse cueilleuse de champignon. Salaire pour l’homme 10$/h, pour l'épouse 8$/h. »

« Ce sont des vraies jobs? » constituait la première question que les passants posaient aux membres du collectif Au travail / At work qui se trouvaient aux abords de la roulotte de DARE-DARE transformée pour le projet en centre d'emploi. « Oui, ces offres sont tirées du Journal de Montréal, du 24H ou du Métro. » S'ensuivaient alors des dicussions sur les offres affichées et sur les raisons qui motivaient l'ouverture d'un centre d'emploi en plein square Viger. Du recrutement. Le collectif procédait au recrutement de nouveaux participants. 

C’est à l’encontre du système néo-capitaliste et de son secteur tertiaire que s’est consitué ce collectif ouvert à tous. Pour répondre à la dénaturation de l’individu par les forces de production, quelques éléments « délinquants » ont commencé à profiter du temps passé au travail pour agir, intervenir, façonner et transformer les tâches assignées, les outils consignés, les actions prescrites par l’employeur. Des rapports de ces actions (images, sons, etc.) se retrouvaient sur le web ou diffusés lors d’activités artistiques pour encourager de subséquentes interventions et ainsi recruter d’autres employés désabusés. Au moins, le collectif assurait une confidentialité aux participants...

Au square Viger, un membre du collectif avait juché sur le toît de la roulotte un père Noël en vinyle qui se voyait de loin et qui servait d'appât. Les partages de compétences des samedis après-midi servaient encore une fois d'attrait pour les cylistes et les piétons des alentours. La stratégie fonctionnait à merveille, surtout qu’un autre membre offrait un service de mise au point de vélos à proximité de la piste cyclable: une cinquantaine de vélos étaient réparés chaque samedi. Pendant les mises au point, une sexologue donnait des consultations gratuites, une vendeuse faisait échantillonner des produits liquoreux, un architecte paysagiste proposait une pelle et des copeaux de bois pour l'élaboration de parcours ou de sentiers dans le parc, un journalier dans un cinéma faisait du maïs soufflé avec un brûleur à propane. Ces après-midi devenaient l'occasion pour chacun d’eux d'apporter leur travail dans le parc: de déplacer leur lieu de travail dans un nouveau contexte. Le public se prêtait au jeu.

Les soirées festives du vendredi devenaient un prétexte pour le collectif de diffuser les travaux réalisés durant leurs heures de travail ou inspirés par leur job. Un membre restaurateur avait recouvert le côté de la roulotte d'un papier peint avec des motifs inspirés de la marque de commerce d'une multinationale. Une autre membre restauratrice avait ramené du travail des napperons sur lesquels elle avait imprimé son relevé salarial. Une apprentie herboriste préparait sur place des pilules tonifiantes ou contre la gueule de bois et les distribuait dans de petits sacs Ziplock. Une peintre en bâtiment a réalisé une mosaïque immense avec des échantillons de couleurs pour la peinture.

La nature des interventions variait d'un emploi à l'autre. Certains participants décidaient de s'inspirer des tâches assignées pour les modifier ou bien de récupérer les outils pour en détourner l’usage; d'autres élargissaient leur marge de manœuvre et leur zone d'activité. On observait généralement deux types de comportement: un détournement anarchique des tâches et techniques, et une psychologie du travail avec une valorisation de l'employé ou même une stimulation de la productivité. 

Le collectif ignorait au départ que son passage au square Viger allait conclure la série de projets diffusés dans le cadre du premier volet de Dis/location: projet d'articulation urbaine. Deux ans plus tôt, cette série initiée par DARE-DARE avait débuté par un chantier de construction de l’artiste Doug Scholes. Durant ces deux ans, le centre a invité des artistes à élaborer l'imaginaire commun, à aménager l'espace collectif, à transformer le parc public en espace de diffusion d'art (en respect avec l'esprit initial du lieu tel que conçu par Charles Daudelin), à replacer le square en réseau avec les parcs de la ville consacrés aux loisirs et à la détente, à réfléchir le lieu dans son contexte urbanistique. Après cette succession d'activités, DARE-DARE a choisi de clore sa programmation avec un effort collectif où le citoyen retrouvait un parc dont les fonctions étaient détournées, redéployées autrement. 

Jean-Pierre Caissie, août 2006