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Programmation

Rose-Marie Goulet

Nos frontières

Nos frontières nous divisent. Nos frontières nous rapprochent. Nos frontières nous appartiennent. Elles sont géographiques, cartographiques, politiques, linguistiques, ethniques, sociales, économiques, culturelles… Elles sont infinies. Mais, elles ne sont pas pour autant indéfinies.


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Interventions

Vernissage le jeudi 7 juillet de 17h à 21h au square Viger (carré ouest)
➜ Un incendie récent au bureau de DARE-DARE oblige le report au début juillet de la partie sonore de l’intervention au square Viger

Nos frontières nous divisent. Nos frontières nous rapprochent. Nos frontières nous appartiennent. Elles sont géographiques, cartographiques, politiques, linguistiques, ethniques, sociales, économiques, culturelles… Elles sont infinies. Mais, elles ne sont pas pour autant indéfinies.

À partir du square Viger, où sont réunis cartes, indices et voix de la ville, l’artiste Rose-Marie Goulet vous invite à venir marquer et éprouver avec elle quelques-unes de ces frontières à travers la ville. Outre les interventions (visuelle et sonore) au square Viger, deux autres invitations vous sont lancées.

En juillet, du mercredi au samedi entre 13h et 16h, départ depuis le square Viger, une excursion motorisée conduira à un marquage poétique de certaines frontières urbaines au cours d’un «lancement de mots» ici et là dans la ville. Le nombre de passagers étant limité, veuillez réserver vos places à l’avance.

Tous les mercredis soirs par temps clair, du 6 au 27 juillet, entre 23h et 24h, des observations nocturnes se tiendront au parc Jarry. On vous y attend dès 23h, en avant du poste de police No31 situé en bordure du parc Jarry, au 7920, boulevard Saint-Laurent, face à la rue Villeray (métro de Castelnau ou autobus 55).

En résonance avec le lieu de ses interventions, permanentes ou temporaires, les œuvres de Rose-Marie conversent avec le promeneur tout en proposant une perception contextualisée de l’art, dans l’architecture ou dans la ville. L’intervention chez DARE-DARE mise sur les échanges interpersonnels inhérents à la production des œuvres, mais qui sont généralement dissimulés. Nos frontières présente ainsi des actions et des gestes impliqués dans la production d’œuvres. L’artiste poursuit de la sorte une démarche amorcée lors de l’exposition-résidence, S’, à la Maison de la culture Côte-des-Neiges: la galerie se voyait alors transformé en atelier et le visiteur invité à un tour guidé du «chantier-archives»1.

1 À propos de cette exposition, lire les articles d’Anne Bénichou, «S’(EXPOSER): les archives de RMG», ETC, «Le portrait de soi», dirigé par Christine Bernier, janvier 2004 - février 2005, no 68 pp 29 à 32, Jocelyne Connolly, «Rose-Marie Goulet archive, trans-forme et S’», Espace, été 2002, no 60, p.51, et Jean de Julio-Paquin, «De l’archive à l’installation», Vie des Arts, no 186, printemps, p.80, 2002.


L’artiste remercie François-Xavier Caron, Sylvain B. et Chantal Dumas, artiste audio pour leur précieuse collaboration ainsi que le Conseil des arts et des lettres du Québec pour son appui financier.


Rose-Marie Goulet (Montréal) a réalisé de nombreuses œuvres d’art public, dont le monument commémorant la tragédie de l’école polytechnique Nef pour quatorze reines. Elle présentait également à l’été 2000 Droit de passage, passage protégé, installation temporaire à l’angle des rues Guy et Sainte-Catherine, qui utilisait la signalisation routière pour célébrer les droits universels du piéton. Elle a présentement en chantier deux projets d’art public permanents et une publication sur son travail en collaboration avec divers auteurs aux Éditions CDD-3D.


Rapport d'activité

Au square Viger, au parc Jarry et dans la ville du 21 juin au 31 juillet 2005
(extension jusqu’au 4 septembre)

Pour explorer la manière dont se tracent, se déjouent ou s’affirment les frontières personnelles autant que celles géopolitiques du territoire montréalais, Nos frontières propose la traversée des signes, des sons, des langages et des silences de la ville, à la lumière du jour ou dans l’obscurité de la nuit, au centre ou en périphérie d’espaces densément urbanisés ou encore, dans les derniers retranchements d’un monde rural. Nos frontières est une trilogie se déployant en autant de lieux que de moments propices à l’exploration des qualités sensibles de la ville et à celle, critique, de la micro-politique de la Cité.

Le square Viger est le point d’entrée
Un tracé familier, sur le grand mur d’eau, semblable, à première vue, à un gigantesque graffiti attire l’attention : une carte de l’Île indique les frontières des municipalités qui se «défusionneront» de Montréal en 2006. L’attention se dirige ensuite sur des photographies de frontières fixées aux structures de béton. Les icônes que sont, entre autres, le mur de Berlin, la muraille de Chine et le mur de Palestine rappellent les enjeux idéologiques et politiques, religieux, linguistiques, économiques, sociaux ou culturels des frontières qui se jouent sur l’échiquier mondial. Ces enjeux sont encore rappelés, dans le contexte local entourant les débats sur les «défusions», par une photographie de la clôture métallique isolant Ville Mont-Royal de Parc-Extension. Les enjeux se déclinent encore une fois, plus proche de nous, puisque, attirés par ces repères visuels, nous voici pleinement engagés dans le square Viger, cet espace coupé de la ville, où se côtoient divers modes d’appropriation.

De l’autre côté du mur d’eau, un enregistrement sonore vient brouiller d’autres types de repères territoriaux. Aux bruits ambiants de la rue Berri se superposent des voix d’enfants de 5 ou 6 ans, en promenade dans la ville. Ils lisent laborieusement le contenu d’affiches publicitaires, les noms des rues et des espaces publics, les horaires d’autobus, les menus de restaurant. Cette «narration» d’un paysage urbain envahi par la publicité et par les consignes qui dictent souvent les comportements, les déplacements et les habitudes prend toutefois, à l’écoute de ces petites voix, une dimension particulière. Cette lecture de mots happés au hasard du regard devient l’étrange récit d’un parcours improbable, inquiétant de banalité.

Le «marquage de mots» aux frontières de la ville
Chaque après-midi de juillet, du mercredi au samedi, se forme, au square Viger, un collectif nomade de touristes, d’étrangers venus apprendre le français, de montréalais curieux ou encore, d’initiés à l’art actuel. Rose-Marie E. Goulet les emmène dans sa voiture sur des lieux préalablement repérés. La mission ? Pour chaque emplacement visité, choisir des mots (sculptés dans une pastille de Coroplast) parmi un répertoire de verbes d’action composé sur le thème de la frontière, puis définir, sur les lieux, un mode d’installation approprié.

Une première reconnaissance du terrain permet d’échanger sur les aspects politiques autant que sur les caractéristiques physiques des lieux. S’engage ensuite, selon la dynamique du groupe, une action collective concertée ou une série d’initiatives personnelles spontanées qui donne au groupe une allure de commando urbain : Accrocher, suspendre, embrocher, enfiler, grimper dans un poteau ou dans un arbre, sauter ou ramper sous une clôture. Pour être, en tout cas, animés d’une sorte de crainte, avoir le sentiment d’être épiés et de franchir l’interdit, s’interroger sur les frontières des domaines public et privé, questionner la légitimité du geste et prendre la mesure de sa portée. Pour favoriser la discrétion ou la visibilité, provoquer la surprise, privilégier l’immédiateté ou, au contraire, inscrire le geste dans la durée. Embrocher un mot dans la branche d’un arbre qui, en grandissant, va éventuellement l’englober; cacher le mot dans une haie pour qu’il n’apparaisse que l’automne venu; confier des mots à l’équipage d’un bateau et les faire voyager; amarrer les mots au quai du traversier; faire traverser la rue aux mots graffités; lancer les mots du haut du mont Royal; s’amuser avec les mots, jouer au frisbee, les suspendre aux balançoires; faire des jeux de mots en les combinant aux signalisations existantes, réconcilier des rues en cul-de-sac. Voilà autant d’expériences et d’actions à envisager comme des micro-résistances pour manipuler l’usage et l’ordre établi des aménagements, des objets et des circulations. «Partager/share», «pénétrer», «jumeler/match», «disparaître/disappear», «répondre», «réconcilier», «changer», «infiltrer», les frontières pour rendre accessible, dénoncer, affirmer, répliquer, réclamer, dire subtilement, adoucir ou rendre agréables les frontières comme lieux communs dans la ville.

Les visites nocturnes, de 23h à 24h, par temps clair, au parc Jarry
Cette fois-ci, l’expérience proposée au collectif improvisé est d’une simplicité déroutante : rester allonger sur toile étendue au centre du parc Jarry, pendant une heure, sans bouger, silencieux, dans l’obscurité. Les lumières du stade de tennis s’éteignent : l’expansion de la vue aux confins de l’horizon, le discernement graduel des formes dans l’obscurité et le dévoilement d’un ciel étoilé, la fraîcheur de la terre, la moiteur de l’air, l’intensification du silence et des bruits resserrent les frontières de l’intimité ou les ouvrent, pour sentir la présence des autres à ses côtés. Pendant une heure, Sylvain B., engagé par l’artiste, veille sur le groupe. Aux confins de la vision périphérique, se déplace ce personnage imposant, pour ne pas dire intimidant. On entend le bruit de ses pas, des bruits de chaînes, le halètement ou les aboiements de ses chiens. Une tension s’installe, qui instaure un fond d’inquiétude.

Tablant tantôt sur le mode de l’introspection, à l’écoute du retour du sensible, tantôt sur celui de l’interaction, du jeu, de la négociation et de la co-production, les mises en situation proposées par Nos frontières ouvrent des brèches dans l’expérience de la ville habituellement convenue, fiable et prévisible. Elles laissent aussi entrevoir le réglage incessant de nos frontières dans l’ajustement de la distance et de la proximité, de la présence et de l’absence à autrui.

Julie Boivin, août 2005